Papa d’un enfant hémophile
Je vous adresse ces quelques mots pour saluer votre initiative et applaudir la création de cette nouvelle association appelée “SOLID’AIR”. En effet, pourquoi une telle association ? Sans doute parce que, sans la solidarité de chacun, il est difficile de faire face, seul et parfois sans soutien, à la maladie ou au handicap parfois inconnu par les nouveaux parents.Je suis le père d’un enfant hémophile. Cette maladie est arrivée chez nous sous sa forme la plus sévère et sans savoir pourquoi ni comment. Qu’avons-nous fait pour mériter une telle punition ? La question ne se pose pas ici et plus maintenant. Je me rappelle des combats permanents livrés avec mon épouse pour obtenir des informations, des soins à domicile ou en centre hospitalier (que nous fréquentons encore) et la honte à demander une aide dans les moments les plus difficiles.
Alors, ne pouvant plus lutter seul, j’ai fait appel à l’Association française des hémophiles du Languedoc-Roussillon, dont je fus le Vice-président par la suite et durant quelques années. Nous avons appris à sortir la tête hors de l’eau et à réagir dans bon nombre de situations pénibles, bien entendu grâce au soutien des autres et à leurs connaissances. A cette époque, nous n’attendions pas de la compassion mais plutôt de l’aide, ce qui fut fait et, encore aujourd’hui, je leur dis merci.
C’est pour cela que je souhaite une longue vie à votre association. Qu’elle apporte le réconfort et le soutien à tous ceux qui en éprouvent le besoin. Un mouvement de solidarité tel que celui-ci me paraît très utile pour des hommes et des femmes désemparés. Dites-leur de n’avoir ni peur ni honte à demander de l’aide, sinon ils devront continuer le chemin seul et rencontrer peut-être l’un des plus tortueux.
Ma fille “RETT”, cette petite chimiste de 22 ans
Un homme est fait pour le travail de force, remuer des montagnes, avancer toujours avancer peu importe les éléments. Aujourd’hui je prends un arbre, je fais un crayon et du papier pour raconter ma vie de “papa de fille Rett.
Un papa a beaucoup de choses à dire. Maintenant il faut trouver les mots et les clés du jardin secret ou sont rangées les peines, les trahisons, les angoisses les larmes et les joies.
Lorsque le nouveau né arrive à la maison, je suis très heureux, mes yeux brillent comme un sapin de Noël rempli d’étincelles lorsque je regarde ce bébé. Notre jardin secret est plein :
de soleil pour que ce bout de chou n’est pas froid,
de fleurs pour l’éveiller à la beauté, à la douceur et à la tendresse,
de beaux arbres pour lui permettre de voir toujours plus haut,
d’une forêt pour s’abriter lorsque le vent de la vie le menace.
Enfin quoi, un vrai bonheur.L’enfant grandit, donne toujours autant de joie dans la famille. Des projets de ballades, de vacances et de bricolage font merveilles dans la tête du père. Le papa a beaucoup de livres sur tous ces sujets importants pour lui. Pas une seule idée ne germe sans qu’y soit associée la toute petite. Les nuits se passent bien, car la maman allaite le bébé.
Après plusieurs mois ma fille s’éveille, cri, remue et commence à parler, le père est vraiment aux anges. Mais il trouve que l’enfant ne grandit pas assez vite.
Les visites chez le pédiatre confirment cette évolution un peu lente par rapport à sa sœur aînée. “Nous verrons le mois prochain, il faut dire que son aînée était plus dynamique, mais il n’y a rien de bien grave. Nous ferons des examens s’il le faut “.
Une inquiétude est née dans la tête du père. Il ne doit pas la montrer pour ne pas effrayer la famille. Il doit se montrer rassurant : “Ce n’est pas grave, a dit le docteur, la prochaine fois nous feront des examens “. Le père doit lui aussi se convaincre…
Le jour tant attendu est là, le docteur examine l’enfant, rempli de cahier de santé et dit : “J’ai pris contact avec mes confrères de Bordeaux, afin d’effecteur des examens médicaux. Laetitia ne passera que deux à trois jours à l’hôpital”.
Avant le séjour à l’hôpital, les journées et les nuits à partir de ce jour là ne sont plus les mêmes. Elles sont peuplées d’angoisses, de doutes et de questions; pourquoi l’hôpital; pourquoi aussi vite; pourquoi trois jours; pourquoi elle, notre petite de 2 ans…
L’hospitalisation est pour demain et l’attente est difficile à supporter.
Dans leur tête les parents savent ce qu’ils ont à faire : la mère restera auprès de Laetitia pendant les trois jours; le père fera la navette tous les jours matin et soir pour s’occuper d’Elodie, âgée de 6 ans ( la préparer pour l’école le matin et la récupérer le soir après les cours ).
Après trois jours d’examens, il sera fixé un rendez-vous pour commenter les résultats nous confirme -t-on. La nuit restera la nuit quand l’on ne sait pas !!!
Un mois sans aucune nouvelles, nous reprenons contact. Rapidement une date est fixée pour passer devant une commission de spécialistes. Les résultats sont commentés les uns après les autres.
A l’issue des 2h30 de discussions le diagnostic tombe. La psychiatre nous annonce : “Votre fille a eu des crises de convulsions dans la nuit et vous ne vous êtes pas rendu compte…”. “Votre enfant sera handicapée, il faudra la supporter comme cela et ça ne va pas s’arranger”.
L’annonce du verdict passe en boucle dans la tête des parents, il en résulte une dépression nerveuse de quatre mois pour mon épouse à gérer en plus. Pour moi je suis allé ouvrir la barrière de mon jardin secret, tout est détruit, mes rêves et mes espoirs envolés…
J’avais froid, je n’avais aucun livre pour régler ou réparer les choses de la vie. “A quoi sert la force physique quand l’on ne sait pas où et comment l’utiliser “.
Nous sommes restés dans cette incertitude deux longues années, avec des hauts et des très bas. C’est une mutation d’office dans l’est de la France en 1987 qui m’a permis de rejoindre Reims ( pour des gens du sud-ouest, Reims c’est froid comme climat). Dans notre malheur, nous allions, sans le savoir, avoir une énorme chance.
Effectivement après quelques mois d’adaptation, nous avions pris rendez-vous pour Laetitia à l’hôpital Américain, ceci grâce à une de nos voisines infirmière à ce dernier. Le professeur entra dans la salle et sollicita l’avant dernier patient pour sa consultation, avant de partir il dit : “Tiens une petite RETT”. Avec mon épouse nous avons regardé dans la salle, nous étions seuls. Nous n’y croyons pas : “qu’il y a-t-il derrière cette affirmation” !!! Enfin il y a un nom à cette maladie. Le professeur nous apporta beaucoup d’informations sur : sa formation spécifique pour la prise en charge des enfants atteintes du syndrome de RETT ( maladie orpheline) grâce à ses stages aux Etats Unis; les espoirs de la recherche; des craintes sur le vieillissement des filles touchées par ce polyhandicap. Il nous donne un grand bol d’oxygène, pour nous et notre famille.
Notre regard a changé vis à vis de l’enfant, il est moins soucieux, moins oppressant. Maintenant nous allions pouvoir nous battre.
Le soir même je suis allé dans mon jardin secret, la barrière était ouverte, tout avait été nettoyé, prêt à replanter et sur le banc il y avait un gros livre. Je me suis assis, je l’ai pris, les pages étaient écrites de toutes les épreuves subies jusqu’à ce jour. Alors j’ai compris que lorsque tu ne connais pas ou tu ne vois pas le titre d’un livre, il est difficile de le lire. Je pense que je n’étais pas disponible à accepter le polyhandicap.
C’est ma fille RETT, cette petite chimiste qui m’a appris à écrire et lire ce livre de la vie, écouter son visage et lire dans ses yeux, afin de connaître son état d’âme et de santé., transformer ma force physique en Amour, Douceur et Tendresse pour l’aider.
Ce n’est pas les papas des filles RETT qui me contrediront car lorsqu’ils regardent leur fille. Ils ont une surcharge pondérale sur le cœur, tant il y a d’Amour. Ils ont les yeux qui brûlent, mais ils ne pleurent pas, ils gardent leurs larmes pour arroser les fleurs de leur jardin secret.
Aujourd’hui les jeunes filles RETT âgées de 2 ans sont prises en charge dés le diagnostic établi. Une information est faite sur l’avancée des recherches par AFSR lors de son assemblée générale annuelle et sur son site internet.
AFSR : Association Française du Syndrome de Rett
Internet : www.afsr.net
Bravo et merci
Papa d’une enfant de 10 ans, invalide moteur – cérébrale (IMC), j’ai appris, comme tous ceux qui sont dans notre cas, combien est dure (voire impossible) la communication.Beaucoup considèrent le handicap d’un membre de leur famille comme le leur et ont peur de la réaction de leurs interlocuteurs. Il est de coutume de dire qu’il n’est pas d’enfant handicapé mais de famille handicapée. Rien n’est plus juste à mon sens et l’année du handicap n’y changera pas grand chose si personne n’y met du sien.
Beaucoup considéraient que le handicap de ma fille lui interdisait tout. Tous sont à présent surpris quand ils savent qu’elle fait du cheval, du ski, du vélo, des rollers, de la trottinette. Certes, tous ces sports sont adaptés à son handicap, que ce soit au niveau des cours ou au niveau du matériel. Je sais que son niveau n’a rien de comparable à celui d’une autre enfant mais son plaisir n’en est pas moins grand.
Enfin de nombreuses associations existent, se montrent très bien informées et ignorent les mots “sectarisme”, “personnalisme” et autres “idiotismes”. Mais pour les connaître, il faut communiquer…
SOLID’AIRement
Chers membres de Solid’Air,
J’ai consulté aujourd’hui le site SOLID’AIR. Je le trouve facile d’accès, intéressant et complet.
J’ai connu, il y a quelques années, un ami, papa de deux enfants dont l’un était atteint, je crois, de Trisomie 21. Cet ami a divorcé et a laissé le soin à la maman d’élever seule ses deux filles. L’été dernier, il a repris contact avec ses filles (qui ont à présent 18 et 14 ans) et a pris pour la première fois l’une d’elles en vacances. Je me dis qu’avec l’aide d’associations comme la vôtre, cet ami aurait peut-être eu la force de soutenir son épouse et d’élever ses deux filles avec beaucoup de joie et de bonheur. Je pense qu’il est passé à côté de quelque chose de très important. Alors bravo pour le site et longue vie à SOLID’AIR.
Les parcours différents de Christophe et Nicolas
L’intégration scolaire de nos enfants « différents » est un sujet particulièrement sensible. Elle représente, pour la majorité d’entre nous, le premier pas d’une tentative d’intégration sociale. C’est pour d’autres l’expression d’un refus du handicap ou au moins un rapprochement forcé vers la normalité.
Suivant sa sensibilité, en fonction de sa souffrance personnelle, chaque parent aborde cette intégration comme un besoin impérieux ou comme la continuité d’une prise en charge globale médico-éducative. L’intégration scolaire est alors tentée « au forceps » ou, au contraire, réalisée de façon progressive, avec une approche réaliste et patiente. La première solution a généralement pour effet de placer l’enfant handicapé dans une situation d’échec, accompagnée d’angoisses et de souffrances extrêmes. La seconde offre de bien meilleures conditions de vie à l’enfant, mais elle représente un travail particulièrement long et difficile.
Je vous propose de vous faire partager mon expérience personnelle car elle reflète les deux comportements antagonistes qui viennent d’être décrits succinctement. Je vous ferai part, ensuite, de ma vision personnelle du problème et, au regard de cette expérience, la façon dont il faut, à mon avis, envisager une scolarité chez un enfant souffrant d’un des handicaps rencontrés au sein de l’ADAPEI. Vous en conclurez certainement, comme moi, qu’il n’existe pas de solution miracle, que personne ne détient la vérité mais que l’espoir est permis entre gens de bonne volonté.
La galère de Christophe.
Christophe est aujourd’hui âgé de 18 ans. Son syndrome d’Asperger, autisme de haut niveau, n’a été diagnostiqué qu’à l’âge de 10 ans. Autant dire que durant sa petite enfance, nous n’avons pas pu expliquer (ni comprendre nous-mêmes) ses comportements hors norme, ses stéréotypies, sa résistance aux changements, ses angoisses, ses crises de colères.
A 3 ans, il savait lire, écrire, compter, lire l’heure sur une pendule à aiguilles. Il avait appris seul, en posant des centaines de questions. L’institutrice de maternelle nous reprochait de lui avoir enseigné cela et refusait de croire que Christophe était autodidacte. Il était clair, dans notre esprit, que nous avions affaire à un surdoué et que sa précocité expliquait son comportement parfois bizarre.
Les difficultés prirent un essor exponentiel en école primaire. Christophe continuait à faire preuve d’un potentiel intellectuel étonnant mais il se révélait dans l’incapacité de généraliser ses apprentissages. Il refusait toute relation avec les autres enfants qui ne tardèrent pas à le martyriser moralement. Face à des comportements incompréhensibles et à la peur qu’ils inspirent, les autres enfants deviennent en effet cruels. L’angoisse générée par cette cruauté accroît la violence comportementale. C’est alors une spirale infernale qui s’installe et que seule la communication peut annihiler. A cette époque, comment pouvions nous communiquer sur une cause qui nous était inconnue. Bien sur, la psychologue scolaire nous avait alertés et nous avions accepté une prise en charge, très partielle, par le CMPP qui se gardait bien de nous informer sur l’état de santé de notre fils. Malgré la tendresse et l’attention de ses enseignantes, Christophe souffrait de plus en plus et s’isolait de ce monde qui le refusait. C’était également un calvaire pour nous, ses parents. Nous culpabilisions face aux autres parents d’élèves et à notre entourage qui nous accusaient de l’incapacité d’élever notre enfant. Les médecins nous expliquaient que Christophe était parfaitement normal mais qu’il n’avait pas la chance d’avoir des parents compétents. La preuve : malgré notre manque d’efficacité, ses notes étaient toujours les meilleures et il passait de classe en classe sans problème.
Les angoisses et les troubles du comportement s’aggravèrent encore au collège. A ce stade, on demande aux élèves un niveau relativement élevé de performances, la gestion quotidienne de la quantité de travail et une certaine autonomie. Rapidement épuisé, Christophe perdait pied. Il continuait à subir l’agressivité de certains élèves à son égard. Il tint bon, malgré tout car il avait décidé d’obtenir son brevet. Nous avons obtenu le tiers temps supplémentaire pour cet examen qu’il a passé seul dans une salle avec un surveillant. Ce fut une réussite car, il nous le raconta quelques mois plus tard, il avait révisé à notre insu. Mais ce fut aussi un combat dont les blessures ne sont pas prêtes à cicatriser.
La tentative d’entrée en seconde au lycée fut un échec. Après trois semaines de classe, Christophe était expulsé. Dans sa lettre, le Proviseur expliquait que personne n’avait le temps de s’occuper de ses singularités. Je décidai de tenter la scolarité par correspondance. Pour tenir compte de sa fatigabilité, nous sommes convenus qu’il ferait une classe en deux ans. UPSILON, un service d’aide pédagogique rattaché à l’inter secteur pédopsychiatrique, lui apporte une aide dans certaines matières. Pour assister à ces cours en ville, Christophe a tenu à être autonome. Il part à l’heure, prend son bus et revient sans angoisse. Un enseignant l’aide à domicile pour les matières scientifiques.
Christophe gère son travail au quotidien, sans intervention de notre part. Après deux années de seconde, il commence le programme de première S et obtient des résultats très satisfaisants. Il a pour ambition de réussir son baccalauréat, avec un esprit de revanche qu’il ne cache pas et qui constitue en soi un progrès sur le handicap.
Le parcours sans encombre de Nicolas.
Nicolas, autiste atypique, fut rapidement déscolarisé en maternelle pour être pris en charge à plein temps, en hospitalisation de jour, par le CMPP, sur intervention de la psychologue scolaire. Submergés par les troubles de son frère aîné, nous étions plutôt satisfaits des progrès qui, au fil du temps, apparaissaient chez le cadet, même si nous étions écartés de cette éducation. Nous savions que Nicolas rencontrait un instituteur, une à deux heures par semaine, mais nous n’avions aucun résultat. Lorsque la CDES décida de réduire le temps de prise en charge médico-éducative, Nicolas put entrer dans une CLIS 1. Il avait 9 ans et demi. Durant cette intégration collective, il fit d’énormes progrès, notamment dans le domaine des interactions sociales. Les réunions trimestrielles avec les enseignants et la CCPE se passaient bien, malgré le fait qu’on ne nous faisait entrer dans la salle qu’à la fin de la réunion. Nous ne pouvions donc pas assister aux débats entre les professionnels, ce qui nous empêchait d’être acteurs.
Après ces trois années de CLIS, la CCPE, avec notre accord, décida de tenter une intégration individuelle en milieu ordinaire, dans une classe de CM2. Nous venions d’arriver à DIJON et nous pensions qu’une école privée offrirait, à notre fils, de meilleures conditions d’accueil. La Directrice paraissait enchantée et nous avions présenté Nicolas à sa future enseignante. La veille de la rentrée scolaire, alors que nous avions longuement préparé notre enfant aux changements qu’il allait vivre, la Directrice nous téléphona pour nous dire que sa collègue avait peur et que, par conséquent, elle refusait de prendre Nicolas.
Notre garçon pleurait à chaudes larmes ne pouvant admettre ce rejet. Il nous fallut trois semaine pour trouver, avec l’aide de l’inter secteur, une école qui accepte de l’intégrer. Je mis en place une communication soutenue avec les enseignants. Lorsque Nicolas donnait des signes de fatigue, l’institutrice appelait sa mère qui venait le reprendre. Nous nous étions aperçu que le bruit de l’entrée en classe et de la sortie le perturbait et il fut décidé qu’il rentrerait cinq minutes après tout le monde et sortirait cinq minutes plus tôt.
J’ai pu venir dans les classes expliquer aux élèves qui était Nicolas et pourquoi son comportement était si particulier. J’ai rencontré des enfants attentifs, qui avaient parfaitement analysé ses difficultés et qui se montraient prêts à s’investir pour l’aider. Lors de nos nombreuses conversations, la Directrice a souvent exprimé son regret de ne pas avoir d’auxiliaire de vie scolaire. L’année de CM2 fut cependant réussie. La décision était prise : Nicolas entrerait au collège.
Le souvenir de la grande souffrance de Christophe nous hantait. Le service pédagogique de l’ISCO nous conseilla le collège A. MALRAUX. La CCSD affecta une auxiliaire de vis scolaire (AVS) à Nicolas. Il faut tout de suite noter l’excellent état d’esprit dans lequel cette intégration a été accueillie au sein de l’établissement. L’emploi du temps de la classe fut adapté pour obtenir au mieux l’enchaînement des matières et pour que Nicolas ne manque pas des cours essentiels lorsqu’il est pris en charge par l’hôpital de jour. Une spécialiste parisienne de l’autisme fut même invitée à venir parler du handicap aux enseignants. Beaucoup de choses furent expliquées aux élèves.
Tout le monde s’est ensuite attaché à permettre à Nicolas d’acquérir, à son rythme, une autonomie. Sa fatigabilité est bien prise en compte. Lorsqu’une crise de colère se prépare, quelle qu’en soit la raison (contrariété, consigne mal comprise, intervention du professeur mal interprétée, etc.), l’auxiliaire s’isole dans une salle avec Nicolas pour qu’il revienne au calme. Lorsque la saturation est beaucoup trop évidente, mon épouse est invitée à venir le reprendre. Après quelques heures de repos, tout est oublié.
Dans ces conditions idéales, les progrès ont été fulgurants. Nicolas est heureux dans son école. Il est apprécié de ses camarades. Il travaille avec enthousiasme et obtient d’excellents résultats. Ses stéréotypies s’estompent, ses relations sociales s’améliorent de jour en jour. Lors des réunions trimestrielles avec la CCSD, auxquelles nous assistons dans leur intégralité, nous ne parlons plus d’intégration mais de scolarisation.
Ces deux parcours nous montrent que l’échec ou la réussite d’une intégration scolaire sont multifactoriels. Un ensemble de conditions préalables s’imposent à l’enfant, à ses parents, aux enseignants, à l’établissement ainsi qu’aux administrations pour le conduire sur le chemin d’une évolution positivé.
Que faut-il rechercher dans l’intégration scolaire ?
Avec un enfant souffrant d’un handicap mental ou neurologique, il faut abandonner définitivement l’image de l’école qui classe des enfants par niveaux de connaissances correspondant à des tranches d’âge précises, avec des matières et des volumes horaires immuables. Nicolas, à 15 ans, est « seulement » en cinquième (alors que la norme voudrait qu’il soit en troisième ou en seconde), il dépasse tous ses camarades d’une tête. Qu’est-ce que cela change ? Il vit heureux et il progresse ; c’est l’essentiel !
Ce qu’il faut attendre de la scolarisation, qu’elle soit très parcellaire ou proche du cursus normal, qu’elle soit collective ou individuelle, c’est avant tout qu’elle complète l’action médico-éducative et l’action parentale pour amener l’enfant à progresser dans ses interactions sociales et affectives. Elle doit être allégée, modifiée lorsque l’on constate de la souffrance, voire abandonnée, au profit d’autres prises en charges, si des régressions durables apparaissent.
Ce que les parents retiennent habituellement de la scolarité de leurs enfants, ce sont les performances, matérialisées par le bulletin de notes. Les bons élèves obtiennent de bonnes notes, les autres sont des cancres. Les bons élèves auront des diplômes et de bonnes situations, les autres… Rien de tout cela n’est cohérent quand il s’agit de nos enfants. Les objectifs à rechercher dépendent essentiellement du potentiel individuel de chaque enfant, de ses capacités cognitives, intellectuelles, sensorielles et motrices. Il convient donc d’évaluer, le plus objectivement possible les capacités, les contraintes et les intérêts (ce qui est particulièrement compliqué car il n’y a pas d’outil suffisamment fiable) de l’enfant pour déterminer le type, la fréquence et la durée de scolarisation.
Les parents doivent réussir l’exploit de ne pas écouter leur légitime ambition pour leur enfant. Beaucoup d’entre eux fixent des objectifs inaccessibles (par amour, pour « qu’il s’en sorte ») qui mettent l’enfant, les enseignants et les professionnels en situation d’échec. Au comble de la colère ou du désespoir, des parents contraignent l’Education Nationale par voie de justice. Il y a fort à parier que l’on place alors l’enfant dans un monde qui va s’attacher à faire la preuve de l’impossibilité d’intégration.
La scolarisation de nos enfants extraordinaires (au sens propre) doit être envisagée calmement, posément, en prenant du recul et sans écouter nos envies légitimes de réussite à tout prix. Il faut la considérer comme le complément du dispositif médical et éducatif mis en place, qui nécessite une communication étroite entre tous les acteurs.
L’Ecole, la classe « ordinaire », ne sont pas les seules voies garantissant la réussite d’une scolarisation. Des cours adaptés à l’enfant, dispensés dans le cadre d’une éducation spécialisée, au sein même de l’établissement (IME, hôpital de jour, etc.) permet très souvent de construire un fondement solide. La CLIS, telle qu’elle est définie sur ce site, offre une étape généralement efficace vers une socialisation et une évolution positive de la cognition de l’enfant. Pour ceux qui possèdent les capacités suffisantes, l’intégration en milieu ordinaire doit être soutenue par la mise en place d’un auxiliaire de vie scolaire et encadrée par une équipe pluridisciplinaire, sous la responsabilité de la commission adéquat (CCPE, CCSD).