Etude de faisabilité.
Le projet personnalisé de scolarisation.
Le suivi du PPS.
Les objectifs.
Anticiper les orientations.
Dans un passé récent, les élèves handicapés ne pouvaient être intégrés dans le cursus ordinaire que s’ils satisfaisaient à la norme scolaire et sociale exigée de tous les élèves par l’école. La loi demande aujourd’hui à l’école de réduire les contraintes qui limitent l’accès des enfants différents à l’éducation et qui constituent une part essentielle de la situation de handicap.
Nous avons établi précédemment que la scolarisation d’un enfant handicapé, en milieu ordinaire, s’impose à l’école, notamment sur décision de la CDAPH. Personne, pas plus le personnel que les parents d’élèves, ne peut s’opposer à la présence d’un élève handicapé dans l’établissement, quel que soit le handicap. L’équipe pédagogique a pour obligation d’étudier la faisabilité de cette scolarisation.
L’étude implique tous les aspects, toutes les conséquences envisageables pour l’école et son projet, les enseignants, les autres élèves, etc. La réponse à cette étude ressemble généralement à une série de questions posées, de conditions préalables, de besoin d’assurances et de garanties, de besoin de moyens. Cette réflexion permet de faire un premier point sur les conditions de cette scolarisation. C’est généralement l’équipe pluridisciplinaire, chargée de rédiger le projet, qui apportera les réponses à ces questions. S’il s’avère que cette faisabilité est trop problématique, l’équipe pédagogique s’adressera aux instances compétentes, notamment à l’inspecteur d’académie chargé de la scolarité des enfants handicapés, pour qu’une solution mieux adaptée au handicap de l’enfant soit envisagée.
La constitution d’une équipe de suivi de scolarisation et la réalisation d’un projet personnalisé constituent, dans la plupart des cas, la condition sine qua non de la faisabilité. Les enseignants ne doivent en effet jamais rester isolés quand ils sont chargés de scolariser un enfant handicapé.
Le PPS est conçu pour rendre l’intégration possible et en garantir le maximum de chances de réussite, sans compromettre la vie de l’école ou la scolarité des autres élèves. L’équipe de suivi de scolarisation, chargée de l’élaboration, de la cohérence et du suivi du projet est constituée de tous les partenaires utiles (la liste n’est donc pas exhaustive) :
- les parents, bien évidemment,
- l’enseignant référent,
- le directeur de l’école ou le chef d’établissement,
- le ou les enseignants qui auront la charge de l’enfant,
- le médecin et le psychologue scolaire,
- les représentants du ou des services de soins ou d’accompagnement médico-éducatif.
L’équipe de suivi de la scolarisation apparaît donc, par sa composition, comme une l’équipe éducative élargie, mais réunie sous la responsabilité de l’enseignant référent et non plus du directeur de l’école. Le directeur est invité aux réunions de l’équipe de suivi.
Dans les écoles publiques, le directeur de l’école contribue nécessairement aux travaux de l’équipe de suivi de la scolarisation en vue de veiller à la prise en compte du projet personnalisé de scolarisation dans le projet d’école. Il lui incombe notamment de s’assurer que le projet d’école, dont il est le garant, prend en compte l’existence d’un ou plusieurs projets personnalisés de scolarisation. Accueils, circulations au sein des locaux, surveillance, répartition des élèves dans les classes, communication avec les usagers, etc. sont organisés en tenant compte du principe général d’accessibilité.
L’équipe de suivi de la scolarisation comprend nécessairement les parents, qui peuvent être assistés par une personne de leur choix ou se faire représenter. L’expression « comprend nécessairement les parents » signifie que l’équipe éducative ne peut valablement se réunir en l’absence des parents.
L’équipe de suivi de la scolarisation rassemble les renseignements utiles pour conduire l’évaluation qui servira de base au PPS, et que l’enseignant référent transmettra à l’équipe pluridisciplinaire de la CDAPH. Les membres de l’équipe sont tenus au secret professionnel (décret du 30/12/05, art. 8).
Le PPS décrit la façon dont les différents partenaires envisagent la scolarisation de l’enfant, en fonction d’une analyse commune de sa situation, de ses possibilités et des contraintes spécifiques liées à son handicap (besoins de soins, d’aides techniques, personnelles ou animalières, adaptations de l’infrastructure, etc.). Le projet définit le temps de présence à l’école, les moyens (humains, matériels) qui sont nécessaires, les objectifs de la scolarisation, les modalités d’organisation (transport, repas, etc.) et le suivi du projet (notamment la fréquence des réunions). Chacun de ces éléments du projet est obtenu par la concertation et, dans toute la mesure du possible (c’est généralement le cas), avec l’enfant qui participe à l’élaboration de son projet et se valorise dès le départ.
C’est dans la phase de discussion du projet que les craintes, les réticences, les besoins d’informations, de formations, de soutien doivent être exprimés et entendus sans jugement. L’enseignant, le personnel de l’établissement, le directeur engagent leur responsabilité dans un domaine pour lequel ils ne sont pas préparés. Leurs craintes sont légitimes même si elle sont très souvent infondées. Le projet doit donc prendre en compte cet aspect de la scolarisation. L’une des solutions est justement la fréquence des réunions. Les bilans fréquents en début d’intégration permettent à l’enseignant d’avoir rapidement des réponses à ses questionnements. Au fur et à mesure que la confiance mutuelle s’installe, les réunions peuvent s’espacer. La présence de professionnels du milieu médico-éducatif au sein de l’équipe est également un gage de soutien rassurant pour le personnel de l’école. Voir une équipe pédagogique sereine rassure et apaise également les parents.
Une convention (contrat d’ordre juridique) complète généralement le projet. Elle permet la mise en œuvre du projet en impliquant d’autres institutions chargées d’affecter des moyens (locaux, personnels, matériels, transports, finances). L’école n’a notamment pas à prendre en charge les problèmes de transport. Une convention pourra être signée avec une institution territoriale (la municipalité ou le Conseil général, etc.) afin que l’enfant bénéficie d’un moyen de transport adapté, aux horaires prévus dans le projet. C’est aussi par convention que la CDAPH doit répondre au besoin éventuel de personnel spécialisé (AVS, interprète en langage des signes pour un enfant sourd, par exemple).
Attention : il ne doit jamais être demandé à un enseignant d’assurer une pratique exigeant une compétence professionnelle dans le domaine médical. Si l’enfant doit recevoir un traitement ou des soins particuliers, le projet devra en spécifier les modalités et signifier notamment qui pratiquera les interventions, où et dans quelles conditions.
Les réunions de suivi du projet sont obligatoires au moins une fois par an (décret du 30/12/05, titre II, art. 7). Elle doivent se dérouler à l’école. Seule leur fréquence est laissée à l’appréciation de l’équipe disciplinaire. Une réunion par trimestre semble un minimum raisonnable lorsque les choses se déroulent correctement. La fréquence peut être plus élevée en cas de changement d’école, à l’approche d’une orientation ou d’un examen. Une réunion non programmée peut également être demandée par l’une ou l’autre des parties en cas de difficulté imprévue qui remet en cause le bon déroulement du projet.
Chaque réunion est normalement animée par l’enseignant référent. Elle commence par un bilan des objectifs atteints, de ceux qui n’ont pu l’être et des difficultés rencontrées. Les objectifs ne doivent pas seulement concerner l’apprentissage scolaire. La relation sociale de l’enfant handicapé avec son entourage (les autres élèves, les enseignants, le personnel de l’école) est essentielle et passe, dans certains cas, en priorité avant les apprentissages ou les résultats scolaires.
L’équipe analyse à nouveau la situation et tire de la concertation les nouveaux objectifs, les besoins nouveaux en matériel et personnel, voire la demande d’une nouvelle orientation si le constat est fait par l’équipe que la tentative de scolarisation est trop précoce (ça peut arriver). Le temps de scolarisation peut également être revu, à la hausse ou à la baisse. Le projet peut inclure ou exclure certaines activités (participation aux sorties scolaires, au stages d’observation professionnelle dans le secondaire, etc.). L’organisation des récréations ou du repas à la cantine peut être efficacement pris en compte.
Il est bon que l’enfant soit entendu, même s’il n’assiste pas à la totalité des délibérations. N’oubliez jamais que l’enfant est le plus souvent conscient de sa différence, qu’il peut avoir des idées originales sur la façon de réduire ses propres difficultés et qu’il a besoin de sentir l’implication rassurante de l’équipe. Il a également besoin d’entendre qu’on lui fait confiance pour accomplir les efforts qui lui sont raisonnablement demandés et souhaite généralement être acteur de son intégration. Un procès verbal de réunion est établi et signé par tous les membres de l’équipe pluridisciplinaire.
Grâce à ce suivi, le projet est totalement évolutif et il s’allègera parallèlement à la réduction de la situation de handicap.
Il ne faut pas chercher systématiquement dans la scolarisation en milieu ordinaire que l’enfant handicapé progresse à l’identique de ses pairs. Je m’adresse là, plus particulièrement aux parents. Notre envie légitime de « normalité » nous pousse parfois à nous tromper d’objectif. Il faut tenir compte de la fatigabilité de l’enfant et de ses capacités réelles. Une mauvaise note, un redoublement en raison d’un manque d’acquisition ne sont pas des situations d’échec si l’enfant a amélioré sa communication, ses interactions sociales et s’il vit heureux à l’école. Car les vrais objectifs sont là. Il est avant tout à l’école pour acquérir une socialisation, pour avoir la possibilité d’améliorer son autonomie et sa communication. Ces progrès lui demandent beaucoup d’efforts qui peuvent interférer sur la qualité des acquis scolaires. Ce n’est pas grave.
La première ambition que nous devons avoir pour nos enfants, c’est qu’ils vivent le mieux possible dans un milieu ordinaire. Quand cela est obtenu, l’enfant améliore de lui même ses résultats purement scolaires. Nicolas a appris à écrire à 9 ans ? La belle affaire ! Ce retard n’est rien comparé aux formidables progrès qu’il a faits en communication et en interactions sociales. Maintenant il est l’un des meilleurs élèves de sa classe car il a également réussi à atteindre le niveau de performance nécessaire. L’essentiel à mes yeux c’est qu’il soit heureux et que je voie s’éloigner chaque jour un peu plus le spectre de la régression.
Christophe souffre beaucoup plus mais nous savons qu’il apprend à gérer ses angoisses et sa communication évolue à grands pas. Ce travail sur lui même et la fatigue qu’elle génère l’incite à s’économiser sur le travail scolaire. J’ai réussi à persuader sa maman de le laisser gérer ses capacités. Lorsqu’il a reçu les notes de sa première année du baccalauréat, qui étaient juste au-dessus de la moyenne, il a simplement dit à sa mère : « tu vois, ça suffit ! ».
Une des actions essentielles de l’équipe en charge d’un PPS est de préparer les changements d’orientation pendants le parcours scolaire de l’enfant. Arrivé au CM2, par exemple, il faut, dès le mois de janvier, envisager et préparer son entrée au collège. On commence alors à rechercher l’établissement qui semble offrir les meilleures conditions de réussite du projet, le plus près possible du domicile de l’enfant. Des contacts sont pris avec la future équipe pédagogique qui peut même être invitée aux dernières réunions du PPS en cours. On renégocie les besoins spécifiques (transport, matériel, adaptation d’infrastructure, auxiliaire de vie scolaire, etc.).
L’équipe prépare également mais tranquillement l’enfant à changer d’école, de camarades, d’environnement et d’habitudes de vie. Une visite du futur établissement peut utilement être organisée.
Lorsque Nicolas est passé du collège au lycée, le Principal du collège a tenu à participer à la première réunion du PPS au lycée pour apporter à la directrice ses informations personnelles. Par ce geste spontané, il a marqué la volonté du corps enseignant pour la continuité et la viabilité du processus. La confiance s’est immédiatement établie avec la nouvelle équipe pédagogique et, pour la première fois de sa vie, Nicolas n’a pas été angoissé de changer d’école.