Qui pourrait reprocher à des parents d’avoir, pour leur enfant handicapé, l’ambition qu’il ait toutes les chances de vivre, dans le futur, une existence aussi proche que possible de celle du citoyen « normal » ? Personne ne devrait se permettre un tel reproche. Dans le passé, alors que rien n’était clairement défini, certains parents ont du lutter contre la discrimination et imposer leur enfant à l’école. Cette intégration scolaire « aux forceps » n’a malheureusement donné que peu de bons résultats.
Il aura fallu deux lois, celle de 1975 et celle du 11 février 2005, pour graver dans le marbre le droit à la citoyenneté de la personne handicapée et notamment l’accès à l’éducation scolaire. Aujourd’hui, le principe est admis mais, en ce qui concerne nos enfants, rien n’est facilement acquis. Ce qui, hier encore, était un combat acharné pour obtenir un minimum « d’intégration » devient à présent le travail à long terme d’équipes pluridisciplinaires qui se constituent autour de nos enfants et auxquelles parents et enseignants doivent prendre part activement. Les travaux de ce type d’équipe se concrétisent dans un projet personnalisé de scolarisation (PPS) qui nécessite d’être fréquemment suivi, modifié, adapté en fonction de l’évolution de l’élève handicapé.
Les enseignants sont presque aussi désemparés que les parents face au handicap d’un enfant. Ils n’ont pratiquement rien, dans leur formation, qui les prépare à recevoir, au sein de leur classe, un élève si « différent ». Des expériences pilotes, basées sur la bonne volonté et le bon sens, souvent génératrices de résultats très positifs, ont cependant permis d’entrer maintenant dans une phase de généralisation des bonnes pratiques, bien avancée dans le primaire, prometteuse au collège et qui débute au lycée.
Les seuls partenaires de l’équipe qui ne possèdent pas encore de retour d’expérience et d’outils dans ce domaine sont les parents. Ils ont besoin, dans cette démarche, parmi d’autres, d’être informés, soutenus, orientés, entendus et conseillés. En l’absence d’entité capable de subvenir à ces besoins, il semble que ce soit une des fonctions que les associations de parents doivent prendre en compte (avis personnel de l’auteur). Nous sommes effectivement un certain nombre à avoir essuyé les plâtres de « l’intégration scolaire » de nos enfants. Nos réussites, nos échecs, nos erreurs comme nos idées novatrices doivent devenir les fondations du soutien des parents Les enseignants référents existent désormais. Pourquoi n’y aurait-il pas des parents référents ? Ce titre peut justement paraître prétentieux pour qualifier quelqu’un qui cherche seulement à offrir sa modeste expérience personnelle mais il est de mode, dans notre société, d’avoir une fonction qui porte un nom précis pour être autorisé à s’exprimer.
Je suis papa de deux garçons autistes de haut niveau. Au moment où j’écris ce texte, Christophe (20 ans), atteint du syndrome d’Asperger, est en terminale S avec un projet qui lui permet de préparer son baccalauréat en trois ans et Nicolas (17 ans), autiste atypique, entre en classe de seconde avec une option en sciences et techniques de laboratoire. Ils bénéficient aujourd’hui tous les deux de projets de scolarisation particulièrement bien adaptés et qui les mettent, à leur rythme, non seulement sur la voie de la réussite scolaire mais surtout sur celle de la socialisation.
Je n’imposerai pas au lecteur le pénible récit de nos galères, des souffrances de nos enfants qui ont du vivre, dans le passé, dans un monde incompréhensible pour eux. Je ne parlerai pas des portes que nous avons du enfoncer avant d’aboutir à notre situation actuelle : la participation au travail d’une équipe novatrice, réactive, cohérente et dont le souci principal est le bien être de ces deux jeunes citoyens. Ce passé et les leçons qu’il faut en tirer doivent cependant servir au plus grand nombre, sans jugement, sans prétentions, mais en souhaitant que les parents d’aujourd’hui ne seront plus obligés de défricher le chemin comme nous avons dû le faire. Je ferai régulièrement référence à notre expérience commune au long des pages suivantes.
Merci aux enseignants qui, sans soutien, sans informations précises, ont accepté de tenter avec nous l’expérience de l’intégration scolaire, seulement armés de leur bon sens et de l’amour de leur métier. Merci aux auxiliaires de vie sans qui la plupart des scolarisations d’enfants handicapés seraient vouées à l’échec. Souhaitons que leur métier soit, à l’avenir, un peu mieux valorisé. Merci aux inspecteurs d’académies et aux enseignants référents qui ont pris le parti d’innover dans le domaine qui nous préoccupe. Ils ont eu à lutter, ils luttent encore contre des idées préconçues qui sont particulièrement tenaces. Nous avons, ensemble, ouvert des voies, tels des pionniers, pour obtenir les outils dont chacun devrait normalement pouvoir disposer aujourd’hui.
L’essentiel de ce document est consacré à la scolarisation en milieu ordinaire, car c’est là qu’il reste le plus gros travail à accomplir. Il ne faut cependant pas exclure le milieu spécialisé qui peut offrir à l’enfant soit la seule orientation envisageable au regard de la lourdeur de son handicap, soit une formidable rampe de lancement vers le milieu ordinaire. Notons enfin, pour avoir une idée de la tâche à accomplir, que les statistiques les plus fiables montrent qu’actuellement, à peine plus de 50 % des élèves en situation de handicap sont scolarisés. Pour certains d’entre eux, souffrants de troubles très lourds ou d’incapacités trop importantes, la scolarisation, même en CLIS, n’est absolument pas une solution adaptée. N’oublions jamais que notre objectif principal est avant l’évolution positive et le bien être de nos enfants. La scolarisation n’est pas source de progrès si ces deux conditions ne sont pas respectées.