Le handicap a très longtemps été défini comme une chaîne de causalité partant du problème de santé, duquel découle des incapacités fonctionnelles qui, elles même, génèrent des inconvénients dans l’accès au droit commun et à la vie sociale. Le but recherché était donc de réduire le problème de santé et/ou les incapacités pour pouvoir tenter une intégration sociale. En ce qui concerne la scolarité, les élèves handicapés « ne pouvaient être intégrés dans le cursus d’études ordinaire que s’il satisfaisaient à la norme scolaire et sociale exigée de tous par l’école »[1]

On ne considère plus seulement, aujourd’hui, les déficiences de la personne handicapée mais on s’interroge sur les contraintes et les exigences sociales et environnementales dans lesquelles elle est immergée. Prenons un exemple simpliste pour imager ce principe. Il y a quelques temps, on aurait pu dire d’un élève en fauteuil qu’il ne pouvait pas entrer en classe de cours moyen dans cette école car la classe est au premier étage (incapacité de l’élève à rejoindre sa classe). A l’heure actuelle, on analysera la situation et on envisagera d’établir la classe de CM au rez-de-chaussée ou bien encore de mettre en place un dispositif élévateur permettant à l’élève d’accéder à l’étage. La solution n’est plus choisie qu’en fonction des moyens disponibles. C’est l’école qui s’est adaptée à la « situation de handicap ». On a supprimé la relation de cause à effet entre l’incapacité motrice et l’impossibilité pour l’enfant de poursuivre sa scolarité dans son école.

C’est la philosophie de la loi 102 du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées. Le travail consiste maintenant à faire face à la diversité des situations de handicap. Selon Hervé Benoit, il mène tout droit « à la prise de conscience que l’environnement scolaire fait partie du problème, qu’il est un élément de la situation de handicap, qui ne peut plus être identifiée aux conséquences de la seule déficience mentale, sensorielle ou motrice. Les écoles les plus récentes sont équipées d’ascenseurs et de portes de classes suffisamment larges pour permettre un accès en fauteuil. On ne cherche plus seulement à rééduquer la personne. On s’interroge pour savoir si on a tout mis en œuvre, techniquement, socialement, afin de réduire la situation de handicap. Il ne s’agit pas seulement de rendre possible l’accès au bâtiment. En matière de scolarisation, l’objectif à atteindre est de faciliter l’entrée de l’enfant handicapé dans les apprentissages et de réduire les obstacles qui pourraient s’y opposer.

Cette reconnaissance de la différence n’interdit évidemment pas de continuer à soigner et rééduquer la personne handicapée. Mais c’est plus dans le but d’améliorer sa santé et son bien être que dans celui de l’adapter au monde qui l’entoure.

Il faut cependant trouver un juste équilibre. Il est malheureusement impossible et complètement inutile de tenter d’intégrer à tout prix un enfant dont les troubles ou déficiences sont tels qu’ils le mettraient systématiquement en situation d’échec, aggravant ses souffrances. Je prendrai comme exemple l’autisme que je connais bien. Nous savons que 75 % des enfants et adultes atteints d’autisme souffrent de graves déficiences mentales. La seule piste qui peut les faire progresser, améliorer leur bien être et réduire leurs souffrances, c’est le milieu spécialisé, avec des techniques très spécifiques et des objectifs strictement adaptés à chaque cas. Tenter une scolarisation en milieu ordinaire d’un enfant atteint de tels troubles serait à la limite de la maltraitance. L’insuffisance de structures adaptées en France pousse des parents à se retourner vers l’école en désespoir de cause alors que, dans ce domaine, le vrai combat est d’exiger la création en nombre suffisant d’accompagnements adaptés. Nous ne laissons pas ces enfants et ces adultes  sur le bord du chemin. La lutte est sévère dans le milieu associatif pour obtenir les moyens nécessaires à leur épanouissement. Ce n’est seulement pas le sujet du présent document.

 

[1] Hervé Benoit, agrégé de l’université, directeur adjoint du CNEFEI, Suresnes ; « Historique d’un concept, évolution des pratiques », Les cahiers de l’éducation & devenir n° 7.

Du handicap à la situation de handicap